La principale caractéristique du mouvement syndical au Maroc est l’absence d’indépendance politique, sept décennies après sa naissance. Le mouvement national bourgeois a réussi à encadrer le mouvement syndical aux dépens des staliniens marocains, qui avaient joué un rôle de premier plan dans la construction de ce mouvement syndical sous l’occupation. L’installation de Ben Seddik à la tête du syndicat UMT depuis sa fondation est un symbole de la relation de tutelle politique exercée historiquement par le mouvement national bourgeois sur les travailleurs. Ce dernier a perdu sa tutelle quand la monarchie a pu corrompre la bureaucratie syndicale par les privilèges et les possibilités d’enrichissement.
L’opposition bourgeoise a réussi a contrôler une partie du mouvement syndical en fondant la Confédération Démocratique du Travail (CDT) à la fin des années 1970. La CDT s’est reconstruite ensuite, après les répressions de 1979 et 1981, en balayant l’Union Marocaine du Travail des sites historiques (mines, chemins de fer,...).
L’opposition libérale a utilisé les syndicats d’une part pour freiner la combativité des travailleurs au service de la paix sociale et, d’autre part, pour faire pression sur le pouvoir en fonction de ses besoins politiques. Les partis de la bourgeoisie agitent les syndicats pour leurs besoins politiques, quand ces derniers changent la tactique syndicale change. La domination politique de la bourgeoisie sur le mouvement syndical se base sur l’absence d’une presse syndicale indépendante et sur la diffusion de l’idéologie de l’allié démocratique (en l’invitant à voter pour lui aux élections,…) et non seulement sur le contrôle bureaucratique.
L’Union Marocaine du Travail (UMT) continue à s’intégrer de plus en plus au régime. Elle est composée d’une bureaucratie corrompue, ses dirigeants disposent d’une richesse obscène et se désintéressent de toute lutte nationale.
Après la soumission totale de l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP), la partie la plus dynamique du mouvement syndical est entrée dans une nouvelle phase, conduisant à la scission du parti du Congrès National Ittihadi qui est resté fidèle à la vision politique de l’ancien USFP (persuader les travailleurs de la nécessité de faire des sacrifices aujourd’hui pour gagner demain : garantir la paix sociale qui protège la stabilité du travail…). Cette tendance de collaboration de classes est soumise aux fluctuations de la bureaucratie syndicale qui a besoin en même temps d’assurer la paix sociale et de préserver la base du syndicat.
Le mouvement syndical traverse une période difficile, suite à l’attaque de la bourgeoisie combinée à la pression du chômage et à une crise interne (recul organisationnel, scissions, travail sectoriel, coopération des directions avec l’État et des employeurs). La résistance ouvrière se situe dans les dernières lignes de défense en particulier dans le secteur privé où les grèves et les sit-in se limitent à défendre le droit au travail contre les licenciements collectifs et les fermetures d’usine et à la défense du droit de se syndiquer.
Le mouvement syndical à accumulé de nombreuses défaites par la collusion de la bureaucratie pour faire de passer les projets du patronat et son État : le code du travail, la couverture sociale, les retraites, le départ volontaire, la Charte de l’éducation. L’autre face de cette dégradation s’illustre dans l’arbitraire bureaucratique.
Les éléments d’une nouvelle renaissance du mouvement syndical sont apparus lors de la grève dans les transports routiers en mars et avril 2007, où le projet du code de la route a été à l’origine de l’explosion d’une force militante ouvrière dans un secteur surexploitant les travailleurs. La renaissance est également apparue dans le vaste mouvement d’adhésion des ouvrièr(e)s agricol(e)s dans le Souss, au sud du Maroc, et dans le mouvement démocratique de lutte au sein de la CDT dans les collectivités locales. Mais tous ces éléments souffrent quand même de la situation catastrophique des syndicats en général et de la faiblesse des forces de la gauche syndicale combative.