Autoproduction électrique
Investissez, mais vous serez «délestés»
· Une aberration juridique qui risque de saboter le chantier des énergies renouvelables
· Au terme de la concession, l’investisseur perd la propriété des équipements
QUI peut investir dans ces conditions? A la première lecture de la nouvelle loi sur l’autoproduction d’électricité, l’on se dit que rien n’a changé, ou presque. Si ce n’est le seuil d’autoproduction, qui est passé de 10 MW à 50 MW. Mais, si la nouvelle loi sur l’autoproduction rehausse fortement ce seuil, ce qui est une aubaine pour plusieurs industriels, elle inclut une clause nouvelle, somme toute aberrante. Jugez-en: au terme de la concession de 25 ans, accordée par l’Office national de l’électricité, l’investisseur perdra la propriété des équipements qu’il a installés et financés… au profit de l’Office, selon les modalités fixées dans la convention.
En clair, cela veut dire que tous les investissements engagés par l’autoproducteur reviennent de plein droit à l’ONE. Une aberration, pestent les industriels. Selon eux, elle s’ajoute aux multiples aspects devant donner lieu à des échanges avec le ministère de l’Energie, lequel n’a pas souhaité donner suite à nos questions. D’autres, à l’affût, disent attendre que «le cadre réglementaire soit moins draconien», pour se lancer dans l’aventure d’autoproduction. Attitude qui ne contribue pas au succès du plan énergie validé par le Souverain en juillet 2008 à Oujda, décliné en grande pompe lors des assises de l’énergie, tenues à Rabat le 6 mars dernier. Valeur légale aujourd’hui, l’aberration est telle que si vous investissez votre argent, vous n’êtes pas pour autant propriétaires.
Allant dans le même sens, la loi sur les énergies renouvelables, en préparation, reprend à la ligne près ce nouveau dispositif. A l’expiration de la durée de validité de l’autorisation, qui est de 25 ans au maximum, «l’installation de production d’électricité à partir des sources d’énergie renouvelables devienne propriété de l’Etat, libre et franche de toutes charges». Dispositif qui figurait déjà dans la première mouture du projet de loi relative aux énergies renouvelables.
Au rythme des investissements actuels dans le secteur des énergies renouvelables, il y a fort à parier que les 10% de contribution au bilan énergétique d’ici 2012 ne seront pas atteints.
Pendant ce temps, la facture de l’électricité a plus que doublé, d’après les dernières données de l’Office des changes. Elle est passée de 1,1 milliard de DH en 2006 à 2,6 milliards l’année dernière et la dépendance énergétique vis-à-vis de l’étranger a atteint 97,5%.
Bachir THIAM
L'Economiste