La libéralisation électrique pour 2007?
· Le flou autour du dossier se dissipe-t-il?
· Le plafond d’auto-production porté à 50 MW
· Une offre de l’ONE pour en transporter l’excédent
Cette fois-ci sera-t-elle la bonne? «Le projet de libéralisation du secteur électrique est dans le circuit d’approbation au sein du gouvernement». C’est ce qu’a annoncé Mohamed Boutaleb, ministre de l’Energie et des Mines lors de la grand-messe sur l’énergie organisée à Skhirat lundi dernier (cf.www.leconomiste.com). Initié en 2001, du temps de Driss Benhima, le projet devait être mis à exécution en 2005, mais a été reporté. 2007 avait alors été donnée comme nouvelle date butoir, sans engagement ferme toutefois. Depuis, c’était le flou autour de ce dossier, jusqu’à ce que le ministre le confirme ce jour-ci.
Le marché énergétique marocain est caractérisé par une demande en forte croissance estimée à 9%, résultant du PERG (Programme d’électrification rural généralisé) qui devrait arriver à terme en 2007. Cette croissance nécessite annuellement 10 milliards de DH d’investissement pour la production, le transport et la distribution de l’électricité. Une grande partie de cet investissement est d’ailleurs conduite par le secteur privé, comme le soulignera Abdellah Alaoui, président de la Fédération de l’énergie.
La libéralisation du secteur électrique, dont les enjeux sont énormes, est en retard par rapport aux autres pays de la région. L’Algérie s’y est mise dès 2002 et l’Europe affiche un taux d’ouverture du marché de 50 à 100% selon les pays. «Le retard du Maroc nous a permis de tirer les enseignements des expériences régionales et d’optimiser notre schéma», dira en substance le ministre.
La réforme vise donc essentiellement la modernisation du secteur et son ouverture progressive à la concurrence. Cette démarche se traduira, selon le gouvernement, par une nouvelle organisation sectorielle. Avec comme finalité la transformation du statut de l’Office national de l’électricité (ONE) en société anonyme qui suppose la filialisation de l’entreprise mère et la séparation entre ses activités (production, fourniture, transport et distribution).
Mais libéralisation ne signifie pas privatisation, prévient Boutaleb. Du moins pour l’avenir proche. En effet, seule une partie des consommateurs, dits “éligibles”, sera libre de s’approvisionner auprès du fournisseur de son choix, le reste continuera à être fourni par l’ONE. Une formule où coexisteraient deux marchés, l’un libre et l’autre réglementé avec des possibilités d’échange. Le premier marché serait destiné aux gros consommateurs (haute et très haute tensions) et les clients alimentés en moyenne tension. Le second continuerait donc à être garanti et protégé par l’ONE.
· Principe du timbre poste
Ces deux marchés seraient soumis au même système fiscal et partageraient l’accès au réseau de transport de l’opérateur historique. La frontière entre ces deux catégories de consommateurs, dite “seuil d’éligibilité”, évoluera progressivement dans le temps. Diverses mesures devraient accompagner cette libéralisation. D’abord, comme annoncé par le Premier ministre en séance plénière, le projet de loi, en cours d’adoption, portant le plafond d’auto-production d’énergie de 10 à 50 MW afin d’attirer plus d’investissements dans le domaine.
Cette mesure va certainement soulager les grandes entreprises, dont le potentiel de production dépasse largement la puissance imposée. Ensuite: La nouvelle offre de service de l’ONE assurant le transit sur le réseau national électrique haute tension de toute énergie, produite à partir d’énergies renouvelables, des points de production vers les points de consommation. En clair, les auto-producteurs pourront transférer l’excèdent de leur production d’un site à un autre de leur groupe, alors qu’ils n’avaient d’autres choix que de le céder à l’ONE. Le service est basé sur le principe du timbre poste, dira Younes Maamar, directeur général de l’Office. Une offre préférentielle est même mise en place jusqu’en 2011 proposant les tarifs de transit à 6 centimes (HT) le KWh. Au-delà de cette échéance, celui-ci augmentera de 2 centimes (HT). L’Office se propose, par ailleurs, de racheter l’excédent non consommé à plus de 20% des conditions commerciales actuellement en vigueur. L’ONE a déjà un premier client à ces conditions. Une convention signée le jour même du débat national de Skhirat, avec Ciments du Maroc pour une centrale éolienne d’une capacité de 40 MW à Laâyoune.
Pour diversifier les sources d’approvisionnement, autre priorité du pays, Maamar affirmera que «le charbon a de l’avenir». L’ONE vient effectivement de lancer une invitation à l’expression d’intérêt et la préqualification des entreprises et consortiums pour le projet d’une centrale thermique à charbon à Cap Rhir au nord d’Agadir. La centrale sera composée de deux unités de production d’une puissance de 660 MW chacune et devra entrer en service en 2011 (cf.www.leconomiste.com). Le projet de partenariat entre l’ONE, Samir et Akwa pour la construction d’un terminal gazier (cf.www.leconomiste.com) s’inscrit aussi dans cette optique. Tout comme les équipements acquis par l’ONE lui permettant l’exploitation ses schistes bitumineux comme combustible.
La collaboration régionale n’est pas en reste puisque la capacité d’interconnexion électrique avec l’Espagne est passée de 700 à 1.400 MW. En outre, le renforcement de l’interconnexion avec l’Algérie, en cours, permettra la réalisation d’une troisième ligne, d’une puissance de 400 KW, portant la capacité d’échange à 1.300 MW.
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5 conventions signées
La journée de débat national sur les orientations stratégiques de la politique énergétique a été couronnée par la signature de 5 conventions et accords.
- ONE et Ciments du Maroc, pour une centrale éolienne à Laâyoune. Ce sera le second projet d’auto-production dans le secteur cimentier après celui de Lafarge, qui lui a d’ailleurs valu d’intégrer le protocole de Kyoto (mécanisme de développement propre)
- Un accord-cadre intergouvernemental sur la promotion des énergies renouvelables dans les différents secteurs.
- Le ministre de l’Energie et des Mines s’est aussi entendu avec Mohand Laenser, ministre de l’Agriculture, sur la promotion et l’utilisation des énergies renouvelables (mini-éoliennes et capteurs solaires), notamment pour le pompage d’eau.
- Mustafa Mansouri, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle compte aussi réactiver les fameuses «Maisons de l’énergie» en signant une convention avec l’Energie qui aurait, selon Boutaleb, pour effet de «booster les activités génératrices de revenus dans le milieu rural»
- Toujours dans les campagnes, c’est Philips Lighting BV qui a décroché le marché de l’éclairage en campagne notamment grâce à ses lampes à faible consommation.
Amine BOUSHABA